La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a organisé une réunion d’échanges avec la communauté estudiantine de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) en sigle le vendredi, 12 juillet 2024, dans les enceintes du campus abritant cet institut.

Lors de l’ouverture de cette rencontre, la Secrétaire de cette Commission Mme Léa Pascasie Nzigamasabo a fait savoir qu’il a été constaté qu’il y a pas mal de citoyens burundais qui ne connaissent pas le passé de leur pays et qui ont soif de connaître la vérité. Elle a rappelé que la CVR a la mission d’enquêter sur la période allant de 1885, date de la tenue de la conférence de Berlin, à 2008, année de la fin de la belligérance au Burundi, année où le dernier mouvement rebelle armé a déposé les armes.
A son agenda, la CVR doit enquêter sur ce qui s’est passé après la conférence de Berlin qui a abouti au partage de l’Afrique et le Burundi est tombé entre les mains des colonisateurs. D’abord Allemands, puis Belges.
Elle s’intéresse notamment aux tenants et aboutissants du traité de Kiganda de 1903, de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore le 13 octobre 1961, de l’assassinat des syndicalistes à Kamenge en 1962, de l’assassinat de Monseigneur Gabriel Gihimbare en 1964, du premier ministre Pierre Ngendandumwe en janvier 1965, de la tentative de coup d’Etat contre la monarchie en octobre 1965, du renversement de la monarchie en novembre 1966, du complot de 1969 et celui de 1971 baptisé affaire Ntungumburanye, de l’assassinat de Ntare V en 1972, du génocide contre les Bahutu en 1972 et crimes contre l’humanité envers les Batutsi, Bahutu et Batwa, des tueries de Ntega-Marangara en 1988, de l’attaque du Palipehutu en 1991, de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye en octobre 1993 ainsi que de la guerre civile de 1994 à 2008.
Comme réalisations, Mme Léa Pascasie Nzigamasabo a indiqué que depuis 2020, la CVR a procédé à l’exhumation des restes humains se trouvant dans des fosses communes identifiées lors de ses enquêtes, ajoutant que parmi les victimes il y avait des étudiants, des élèves du secondaire et de l’école primaire, des fonctionnaires, militaires, policiers, commerçants et religieux.
Les participants ont eu l’occasion de poser des questions.
La quasi-totalité des questions posées étaient identiques. Et la question qui était sur presque toutes les lèvres était celle de savoir pourquoi les mêmes crimes se sont répétés de façon cyclique ?
Sans beaucoup de commentaires, la Secrétaire de la CVR a répondu simplement que c’est l’impunité qui est la cause de toute cette histoire mais aussi la vérité qui a été occultée.
A la question de savoir si les Burundais pourront un jour se réconcilier, Mme Nzigamasabo est optimiste. Elle a précisé que c’est ce que la CVR est en train de chercher. Selon elle, il faut d’abord soigner les plaies, que la vraie histoire soit connue, que les Burundais sachent ce que c’est l’ethnie au vrai sens du terme. Ceci parce que les Burundais parlent une même langue le kirundi, ils ont une même culture, etc. Avant l’arrivée des colons au Burundi, il n’y avait pas d’ethnies mais des classes sociales. Les colons, quand ils sont arrivés au Burundi, ont trouvé une société unie et bien organisée. Peu après, ils ont divisé les Burundais. Quiconque avait plus de dix vaches devenait ainsi Mututsi, celui qui en avait moins de dix devenait ipso facto Muhutu et le Twa n’avait pas de place, a lancé Abbé Pascal Niyonkuru, l’un des Commissaires de la CVR.
Aujourd’hui, il faut que tous ceux qui ont commis ces crimes réalisent qu’ils ont été dupés et aient le courage de demander pardon et dans la mesure du possible réparer ce qui l’est encore, a poursuivi la Secrétaire de la CVR, avant de souligner en guise de conclusion que les travaux de la CVR ont pour finalité la réconciliation, pour que demain les Burundais cohabitent comme des Burundais et non comme des Bahutu, Batutsi et Batwa. Un monument commémoratif sera érigé dans un endroit qui sera choisi par les autorités compétentes. Ceci pour que la génération présente et future ne tombent pas dans le même piège, a conclu Mme Léa Pascasie Nzigamasabo.